jeudi 29 juillet 2010

TOKYO LIVE - Les trois combats

Je viens d’arriver à Tokyo et avec de l’’aide j’ai dégoté l’adresse d’un dojo dans les environs de mon lieu d’hébergement. Armé d’un plan dessiné à la main et d’une adresse je trouve enfin le lieu recherché. Il est assez difficile de trouver une adresse au Japon car les rues n’ont pas toutes des noms et les numéros des maisons sont attribués en fonction de l’ordre de construction. Pour trouver une adresse il faut réussir à repérer le quartier puis le bloc de maisons et enfin le numéro. Ceci dit, j’arrive
juste à l’heure pour le cours et je suis cordialement invité à me préparer pour y assister. Il s’agit d’une école shotokan affiliée à la JKA (Japan Karate Association). C’est un grand gaillard âgé de 43 ans qui m’accueille. Il semble être l’assistant du professeur, ou du moins celui qui gère le dojo durant son absence. Le professeur arrive en vitesse légèrement avant l’horaire du cours. Il est jeune, peut être une trentaine d’années.
Dans le cours il y a des enfants et des adultes mélangés, mais le professeur prend particulièrement soin des enfants et anime en quelque sorte deux cours différents en même temps : un pour les enfants, un autre pour les adultes.
Après le salut, tout le monde se met en cercle et le professeur commence à scander l’échauffement. Puis viennent les exercices de base, les kihon, qui consistent à répéter des mouvements dans le vide. Nous sommes environ 15 pratiquants qui se répartissent à égalité entre enfants et adultes. Chez ces derniers il y a quatre femmes. La salle n’est pas très grande, environ 80 mètres carrés. Ainsi nous ne faisons que trois pas dans un sens puis nous nous tournons et faisons à nouveau trois pas. Chaque avancée est associée à une technique de bras. Nous commençons par les parade puis les attaques.
Les exercices de base terminés, nous nous mettons face à un partenaire et nous répétons des techniques de bras. D’abord le direct du bras avant (kizami tsuki), puis le coup de poing opposé à la jambe avant (gyaku-tsuki) puis une combinaison de ces deux techniques. Chaque pratiquant exécute trois fois sa technique puis c’est au partenaire de travailler. Ce qui m’a surpris c’est que nous avons travaillé uniquement du même côté, c’est-à-dire jambe gauche en avant. Je pensais que nous referions les exercices dans la garde opposée, mais finalement non. Après chaque série nous tournions pour travailler avec un partenaire différent.
A chaque fois que le professeur change d’exercice, nous faisons une petite pose pour nous réhydrater.
Cette fois ci tous le monde s’équipe de gants de combat. Le professeur divise le groupe en deux équipes qui se font face. Ce sont les enfants qui commencent les combats. Le professeur demande à un enfant de chaque équipe de s’équiper d’un casque. L’assistant prend en charge le chronomètre. Une fois les participants prêts, le professeur arbitre le combat. Après les enfants vient le tour des adultes.
Maintenant c’est le mien. Ca doit bien faire quelques années que je n’ai pas fait de combats arbitrés, et pour cause, je ne pratique plus la compétition depuis plus de vingt ans. Ma pratique s’est orientée vers une forme de combat libérée des règles de compétition. Pour ce premier échange, le professeur choisit mon partenaire, c’est le plus grand du dojo, il doit bien faire 1m90. Nous nous faisons face, il baisse sa garde, ouvre les bras comme pour m’inviter à attaquer en mae-geri (coup de pied de face). J’accepte l’invitation et feinte en mae-geri puis enchaîne au visage en mawashi-geri. Je marque le premier point. J’ai profité de la confiance excessive de mon partenaire qui ne pensait pas qu’une technique de jambe au visage serait possible. Le combat reprend, cette fois-ci mon adversaire tente une attaque de bras que j’anticipe en le cueillant avec un coup de poing au ventre. Le combat s’achève et je remporte la victoire.
J’enlève le casque et le passe à mon voisin. C’est alors que l’assistant vient me voir et me demande de faire un combat contre lui. J’accepte. Au tour suivant nous nous faisons face. La tension est plus grande qu’au combat précédent. Je ne connais pas vraiment quelles sont les règles utilisées dans leurs compétitions mais je me doute que toutes les techniques de jambes en dessous de la ceinture sont interdites. Qu’en est-il des techniques mains ouvertes que j’affectionne ? Il me faut rester assez orthodoxe dans ma manière de combattre. Ma vigilance est à son maximum et en même temps je suis assez serein. Je remporte le combat en marquant trois techniques. L’assistant ne marque aucun point. Nous nous saluons et je retourne à ma place.
Les enfants passent à nouveau pour un combat. L’assistant revient vers moi et me demande si j’accepterai un autre combat avec lui mais cette fois-ci en ippon shobu (combat en un point). J’accepte volontiers.
Je me sens plus tendu qu’au premier combat et je sens la volonté de revanche de mon adversaire. Je respire un bon coup et cherche à rester détaché. Je n’ai rien à perdre bien sûr, mais je ne veux pas me laisser faire non plus. D’un autre côté, je ne veux pas qu’il perdre la face. Mais je n’ai pas le choix, je ne peux pas faire semblant de perdre, ça ne serait pas très bien perçu je pense.
Ce deuxième combat contre l’assistant est plus rugueux… heureusement qu’il y a les casques. Je remporte à nouveau l’échange avec deux techniques. L’assistant ne marque aucun point.
Les autres combattants passent à leur tour. Puis il est l’heure d’arrêter le cours. Nous nous mettons en place pour le salut et exécutons le cérémonial de fin de séance.
L’assistant revient me voir et me demande un autre combat. Je suis un peu gêné par son insistance mais ne peux pas vraiment refuser. Durant ce troisième échange le professeur arbitre à nouveau mais me semble moins clément à me donner des points. Je déstabilise l’assistant par quelques balayages qui perturbent me semble-t-il son équilibre psychologique. Je me rapproche et j’envoie un coup de pied de face suivi d’un coup de poing au visage. Ce premier point ouvre le combat. Je marque à nouveau avec deux autres techniques et gagne encore le combat sans laisser la moindre chance à mon opposant.
Les spectateurs sont très surpris de ces trois victoires consécutives sans que l’assistant ne marque aucun point. Ce dernier vient me voir et me dit que je suis définitivement son sempai, terme qui désigne un élève plus ancien que soi et donc envers lequel on doit un certain respect.

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