vendredi 1 juillet 2011

Ces habitudes qui nous font mal

J'habite dans mon appartement depuis dix ans. Comme mon appartement n'est qu'au premier étage, je ne prends jamais l’ascenseur mais les escaliers. Il se trouve que la porte qui donne accès aux escalier est fermée à clé. Donc depuis dix ans j'ai pris l'habitude de sortir mes clés pour ouvrir cette porte. Depuis deux semaines environ, la porte s'ouvre sans utiliser de clé. Pourtant, depuis deux semaines, quand je me trouve devant la porte je sors mes clés. C'est seulement une fois que je les ai sorties de ma poche ou de mon sac que je me souviens qu'il est inutile de les utiliser. Pourtant cela me demande quelques efforts pour trouver le trousseau et ensuite choisir la bonne clé, car bien sûr elle ressemble à beaucoup d'autres dans le trousseau.

Aujourd'hui, en sortant à nouveau inutilement mes clés, il m'est venu à l'esprit que cet acte qui devient inconscient et qui est provoqué par la situation "je suis devant la porte" est tout à fait similaire à l'attitude que chacun peut avoir psychologiquement par rapport à d'autres aspects de la vie. Je veux parler ici de conditionnement. Depuis notre naissance nous avons été habitué à agir ou réagir de différentes manières, nous avons été conditionnés par l'éducation, nos expériences etc... Ainsi, même si l'on est conscient qu'une situation n'est pas bonne pour nous, inconsciemment nous réagissons tel que nous avons été programmé. Prenons l'exemple d'une personne, qui pour des raisons qui peuvent être diverses, tombe toujours amoureux de personnes qui lui font du mal, qui la dévalorise. Elle est programmée pour ce type de rencontre et si le choix est possible entre une personne qui lui apporterait joie et bonheur, et une personne qui lui fera du mal, elle choisira la dernière. Elle sait que ce choix la fera souffrir, mais c'est plus fort qu'elle, elle utilise la clé qui ouvre la porte de son malheur. Quand je parle ici de programmation je fais référence à un comportement "acquis".

Dans mon travail d'éducateur je suis souvent confronté à des jeunes qui ont connu des expériences négatives. Par exemple, elles ne connaissent pas ce qu'est "réussir". Ainsi, se mettent-elles toujours en situation d'échec. Mon travail consiste donc, entre-autre, à les amener vers des expériences positives pour déprogrammer l'ancien comportement et leur donner le goût de réussir et se valoriser. Ce travail ne se fait pas du jour au lendemain, c'est un travail de longue haleine où je rencontre de grandes résistances. En effet, une personne confrontée à un schéma comportemental différent, comme ici la réussite, se sent mal à l'aise, prend peur et ne sait pas comment gérer les sensations et les émotions qui accompagnent cette nouvelle expérience. Il y a donc souvent une attitude de rejet qui se traduit par exemple par la destruction d'un travail après avoir été félicité et mis en valeur.
Finalement l'apprentissage du bonheur n'est pas si facile que ça car inconsciemment nous nous dirigeons vers ce que nous connaissons mais qui n'est pas toujours bon pour nous. C'est pourquoi, pour changer il est utile de faire appel à une personne extérieure, un thérapeute par exemple, qui peut nous aider à identifier nos schémas négatifs et nous aider à les modifier. Paradoxalement, ce cheminement vers un mieux-être peut aussi être douloureux, mais quelle libération lorsqu'on arrive à sortir de ces conditionnements qui nous entravent.

2 commentaires:

  1. Bonjour Areski,

    Ce que tu écris à propos du conditionnement me fait penser au comportement de l‘un de mes patients. Je développe :
    A l’âge de 36 ans, ce monsieur a décidé de reprendre sa scolarité afin de se libérer d’un emploi insatisfaisant. Il a donc étudié pendant un an pour obtenir l’équivalence du bac, à la suite de quoi il s’est inscrit pour faire un BTS (en un an). Plutôt remarquable…
    C’est à ce moment-là que nos chemins se sont croisés, car ce patient était a priori dyslexique et, s’il avait très bien compensé sur le plan de la lecture, son orthographe restait très lacunaire, ce qui constituait un handicap dans ses études. Il a donc fait la démarche d’entamer une rééducation orthophonique, à l’âge adulte, ce qui demande beaucoup de courage. Sa motivation aidant, il a fait de gros progrès et a d’ailleurs obtenu son BTS.
    Mais le comportement de ce monsieur me frappe toujours. Lorsque nous corrigeons ensemble l’une de ses dictées, par exemple, et que je lui fais remarquer qu’il y a un an de cela il aurait fait beaucoup plus de fautes, il me répond « peut-être, mais là par exemple, j’aurais dû le savoir, c’est vraiment débile comme erreur !». Et ce type de réponse est systématique chez lui. Cela aurait pu passer pour de la modestie, ou pour une forme de coquetterie, mais j’ai fini par apprendre qu’en classe de CP ce monsieur, avait eu le malheur d’avoir affaire à un instituteur qui, constatant sa lenteur pour l’apprentissage de la lecture, l’a étiqueté « incapable ». Il ne s’est d’ailleurs pas privé de le faire savoir haut et fort et d’exclure cet élève des apprentissages. L’étiquette a suivi mon patient durant tout le primaire et il s’est déscolarisé peu après. L’attitude de cet enseignant lui a beaucoup nui car il a construit sa personnalité autour de la notion d’échec et d’incapacité et à présent, il est mal à l’aise avec la réussite, ne sait comment la gérer. Au point qu’il s’interdit de nombreux projets car il est persuadé d’échouer.
    Un tel conditionnement peut donc suivre un individu toute sa vie, et qu’est-ce qu’il est difficile d’y remédier !! La nécessité d’une psychothérapie dans ces cas là est indéniable, mais encore faut-il que ce soit quelque chose d’acceptable pour la personne concernée. Et malheureusement, la pression sociale, voire familiale l’empêche trop souvent…

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  2. Merci Céline pour ce commentaire et ton exemple qui illustre effectivement parfaitement mon propos. Personnellement je peux aussi trouver pleins d'exemples chez les jeunes dont je m'occupe au quotidien depuis de nombreuses années. Mais on retrouve aussi ce phénomène dans l'enseignement du karaté. La progression des pratiquants est souvent liées à des aspects psycholigiques et non pas physiques. On peut pratiquer le karaté à un bon, voir même un très bon niveau, quel que soit le physique. Les vraies barrières sont dans la tête.
    Avant même de commencer la pratique du karaté les gens ont une idée, une vision de la pratique qui parfois brouille le message de l'enseignant. Le résultat est une pratique erronnée. Quand l'enseignant cherche à aider le pratiquant à se défaire des mauvaises habitudes prises, il se heurte parfois à un rejet de la part de l'élève qui préfère conserver ses anciens schémas plutôt que de les abondonner pour d'autres plus efficaces. Nous pouvons chacun regarder au fond de nous même et changer ce que l'on souhaite, nous sommes architecte de notre vie. La question est cependant la suivante : voulons-nous véritablement changer ? Effectivement ce travail n'est pas évident à faire seul et pour changer des choses qui peuvent devenir vitale (maladie par exemple), l'aide d'un thérapeute est souhaitable. Mais il est vrai que dans la croyance populaire, aller voir un "psy" c'est être fou. Cependant de ce côté-là, il me semble qu'il y a une grande évolution tant dans la pensée collective que dans le choix des thérapies. Certaines sont assez courtes et ne nécessitent pas des dizaines d'années.
    Il n'y a pas besoin de regarder les autres pour trouver des exemples de conditionnement. Nous en avons tous, mais en sommes nous conscients ? S'il y en a qui nous dérangent, qui nous empêchent d'avancer, alors il ne tient qu'à nous de changer et d'arrêter de nous plaindre... à moins que le fait de se plaindre comporte des avantages, par exemple pour attirer l'attention des autres... Il y a bien sûr des choses que nous ne pouvons pas changer, mais nous pouvons modifier notre attitude vis à vis de l'événement ou de la chose. Tout comme en karaté on cherche à saisir les opportunités qu'offre l'adversaire pour placer une technique qui le mettra en déroute, lorsque la vie nous apporte des épreuves difficiles, il nous suffit de les accueillir comme des opportunité de choisir ce que l'on veut faire, ce que l'on veut devenir.

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