mardi 18 janvier 2011

Les étiquettes

- Comment vous appelez-vous ?

- Dupont, monsieur Dupont. Et vous ?
- Lassale François. Vous faîtes quoi dans la vie ?
- Je suis développeur informatique. Et vous ?
- Je suis gérant d’un magasin de vêtement au centre ville.
- Ah, vraiment ? C’est intéressant. Depuis combien de temps ?
- Ca va faire maintenant 5 ans. Avez-vous le temps de faire du sport ?
- Oui, je fais du tennis. Et vous ?
- Je fais du ski en hiver, sinon je m’entretiens dans une salle de sport
- …

Cette discussion banale montre comment on met des étiquettes. Comme si la connaissance de l’autre mais aussi du monde qui nous entoure ne peut passer que par l’étiquetage. Ceci est un arbre… mais tous les arbres sont différents. Ceci est un homme… mais tous les hommes sont différents. Peut-on réduire une chose, un être vivant, un homme à la somme de ses caractéristiques ? Certes les humains se ressemblent tous, mais dans le même temps ils sont tous différents. Doit-on subir la dictature du paraître ? Mais si nous ne sommes pas ce que nous paraissons, alors qui sommes nous ? Peut-on apprécier une personne sans connaître son métier, ce qu’elle fait comme sport ou autre activité ? Pour cela, il faut être en mesure de voir au-delà des apparences. Mais notre société ne favorise pas cette approche, alors notre jugement s’appuie sur les étiquettes faute de mieux.

Mais à force d’exercer un métier ne devient-on pas une personne différente, ou du moins ne se transforme-t-on pas ? Par conséquence, l’extrapolation entre l’idée qu’on se fait d’un métier et la personnalité d’un individu n’est-elle pas juste ? A mon sens non. Ce n’est pas tant ce qu’on fait qui est important mais la façon dont on investit sa tâche. Chacun connait l’histoire des tailleurs de pierre : « sur un chantier il y a trois tailleurs de pierre. Quand on demande au premier ce qu’il fait, il répond : je taille une pierre. A la même question, le second répond : je construis un mur. Le troisième tailleur de pierre donne comme réponse : je bâtis une cathédrale ». Ces trois personnes font exactement le même travail mais l’investisse différemment. Pour moi leur être se comprend mieux en fonction de la manière qu’ils investissent leur tâche.

Pourquoi en société demande-t-on toujours notre métier, notre âge, … Pourquoi pas ce qu’on aime, ce qu’on pense, … Et puis est-il toujours besoin de poser des questions pour avoir un ressenti de la personne. Pourquoi ne pas l’apprécier juste pour ce qu’elle est, ce qu’elle dégage, sa façon de regarder, de sourire, … ? Il y a des choses qui existent au-delà des paroles. Sommes-nous donc condamner à porter le convenable habit social au détriment de notre véritable nature ? A quel moment peut-on enlever notre masque, arrêter de jouer un rôle et être authentiquement soi-même ?

Je pense que chaque grand changement commence par un petit geste personnel. Peut-être pouvons-nous individuellement prendre conscience de cette dictature des étiquettes qui nous dénature, qui déforme ce qui nous entoure, qui globalise à outrance. Cherchons à entrer réellement en relation avec les êtres et les objets qui nous entourent. Une relation où le cœur et l’intuition sont des langages universels qui transcendent les formes et la matière.

« L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur »
Le petit prince – Saint Exupéry.

2 commentaires:

  1. Bonjour Areski,
    J'ai lu très attentivement ton article, d'autant plus que je me suis moi aussi penchée sur cette question assez récemment. En effet, lorsque j'ai repris cette année le karaté, arrêté il y a plus de dix ans, j'ai ressenti un bien-être inattendu, qui allait au-delà de la sensation de forme liée à la reprise de l'exercice physique. Il m'a fallu quelques temps pour en comprendre la raison. Et puis je me suis rendue compte qu'en fait, j'avais construit mon image de moi-même autour du métier que j'avais choisi, de ce que j'avais réalisé sur le plan personnel et professionnel. Bref, j'avais fini par me persuader que j'étais celle que l'étiquette décrivait. D'où ma surprise de me découvrir différente de cette image, de me sentir à ma place, dans une activité totalement à contrepied de ce que "mon étiquette" laissait deviner de moi. Cela m'a permis de relativiser certaines choses, comme par exemple la sensation d'être parfois en décalage dans des situations où mon étiquette voudrait que je me sente à l'aise, par exemple des réunions avec d'autres personnes exerçant le même métier. J'ai compris que c'est parce que je ne me résume pas à mon étiquette.
    Tout ça pour dire que si on est capable de se laisser piéger par sa propre image, qu'en est-il de celle que l'on se fait des autres? Vraisemblablement erronée, au moins en partie. Cela ne signifie pas que nous sommes insensibles à ce que les autres nous montrent d'eux, mais nous vivons dans une société où tout doit aller vite, où le pragmatique l'emporte sur la psychologie. En effet, connaître quelqu'un grâce à des déductions logiques tirées de son métier, son lieu de résidence,etc... est rapide. Alors que discuter, partager des avis, observer les autres réclame du temps.
    Mais effectivement, le premier pas vers la "guérison" est la prise de conscience de la "maladie". Alors laissons tomber les étiquettes et prenons le temps de connaître vraiment les gens qui nous entourent.

    RépondreSupprimer