lundi 3 janvier 2011

Intuition

Je regardais un reportage sur un artisan japonais qui fabrique des shôji ou portes coulissantes que l’on trouve dans les maisons japonaises. En fait il s’agissait surtout de la personne qui réalise les motifs. Chaque jour il prépare lui-même l’encre qu’il va utiliser pour imprimer les feuilles de papier qui sont collées à la structure en bois. Pour ce faire il mélange divers ingrédients. Il n’utilise aucun instrument de mesure, il fait tout au feeling et obtient chaque jour la même couleur. Ceci est un exemple de maîtrise. On trouve la même façon de faire chez les maîtres forgerons qui forgent les sabres. C’est par le développement de l’intuition que ces maîtres arrivent à des résultats extraordinaires.
En occident, notre vision des choses est toute différente. Pour obtenir la même couleur chaque jour nous utiliserons des moyens pour mesurer, peser les ingrédients. Pour forger un sabre, nous contrôlerons la température de l’acier avec des thermomètres, le temps de trempage avec un chronomètre etc. Les résultats sont probants, vérifiables et reproductibles.

Si l’on ne considère pas le rôle de l’intuition dans l’art on ne peut pas comprendre les arts japonais ou asiatiques. Dans les arts martiaux tels qu’ils étaient enseignés autrefois, il était tout aussi important d’acquérir cette intuition que de développer la technique. Cette dernière sans la première n’est d’aucune utilité. C’est pourquoi il existe tant d’histoires qui illustrent l’importance de cet enseignement qui est très élitiste et difficile à accepter pour nous occidentaux. Nous ne sommes plus dans l’enseignement pour tous, nous ne sommes pas dans le schéma d’encouragement de la pédagogie moderne.

Au Japon, quand un maître prenait un disciple chez lui, un uchi-deshi, il ne lui enseignait pas grand-chose de la technique. Peut-être même n’enseignait-il à ce dernier encore moins de choses qu’à un disciple extérieur qui paye pour recevoir l’enseignement du maître. Le uchi-deshi était soumis à des exigences du maître sur les travaux domestiques. Le maitre pouvait par exemple exiger de lui qu’il prépare son bain à bonne température… avec interdiction de contrôler la température avec la main. C’est par l’intuition que le disciple devait alors savoir à quelle température le bain devait être ce jour-là et en fonction de l’humeur du maître. Il s’agit donc ici d’un exemple sur la façon de développer l’intuition à travers des tâches quotidiennes.

Quand cette intuition se développe, la technique peut-être alors utilisée avec assurance. Dans le monde des arts martiaux avoir une intuition fiable était une question de vie ou de mort. L’attaque pouvait surgir à n’importe quel moment, n’importe où, mais durant le sommeil.

Mais qu’est-ce que l’intuition ? C’est le mot que j’ai choisi ici pour illustrer le propos mais un japonais parlerait du « ki ». Le « ki » est bien plus que l’intuition mais il me semblait plus accessible d’utiliser ce terme français pour que le lecteur puisse saisir mon propos. Le problème du « ki » c’est qu’on ne peut ni le traduire, ni le décrire, ni le comprendre. C’est une notion qu’il faut ressentir. En Asie, cette notion est présente dans la vie et le langage, elle va tellement de soi que l’existence même du « ki » est une évidence comme pour nous l’air que nous respirons. Si autrefois cette notion existait aussi en Occident, elle semble avoir disparue et il nous est donc parfois difficile d’en admettre l’existence.

Le « ki », mythe ou réalité ? Avez-vous des exemples où votre intuition vous a été utile ?

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