samedi 2 octobre 2010

Apologie de la faiblesse

Maître Funakoshi aimait dire à ses jeunes étudiants karatékas qu’il leur fallait apprendre à être faible. C’était pour le maître une forme de provocation à l’égard de ces jeunes gens qui étaient venus apprendre le karaté dans le but de devenir forts. Il est vrai que lorsqu’on étudie l’art martial, on passe par une première phase où l’on a l’impression d’être fort. On a en effet apprit des techniques, on a renforcé le corps, on a trempé son tempérament au feu des combats. L’ego est valorisé et l’on est certain d’être devenu fort. Puis, après cette phase, vient celle de la prise de conscience. Il est indéniable que l’on a apprit beaucoup et que nos capacités physiques et techniques sont devenues importantes. Cependant, quand on prend conscience de ses défauts, de ses faiblesses, on s’aperçoit que les aspects négatifs sont bien plus importants que les points positifs. Avec cette conscience, on réalise que dans une confrontation nos chances de réussites sont très hasardeuses et qu’il n’est pas sûr que l’on soit en capacité de remporter une victoire tant on est loin de la vraie « réalisation ».
Finalement la remarque de maître Funakoshi peut éventuellement dire : « regarde tes faiblesses et tu sauras quel chemin emprunter pour les transformer positivement ou les éradiquer ». On peut mettre en relation maître Funakoshi avec le Taoïsme de Lao Tseu. Ce dernier écrit dans « Le livre de la voie et de la vertu » :  
 
Rien n'est plus souple et plus faible que l'eau,
Mais pour enlever le dur et le fort, rien ne la surpasse
Et rien ne saurait la remplacer.
La faiblesse a raison de la force; la souplesse a raison de la dureté.

 
Pour Lao Tseu, la vie est plus présente chez le faible et le souple tel que le nouveau né alors que la mort rime avec la dureté et l’immobilité.
Dans la citation de Lao Tseu ci-dessus, on comprend aussi très bien comment ce qui semble à priori faible peut se révéler d’une puissance et d’une efficacité extraordinaire.
Maître Funakoshi connaissait très bien le Taoïsme et faisait donc aussi référence à la notion du non agir. Le non agir c’est aussi le lâcher prise, l’abandon des crispations, renoncer à vouloir changer ce qui ne peut pas l’être, accepter ce qui est. C’est d’une certaine manière laisser le cosmos agir à travers nous. Ainsi, si l’on laisse le corps agir seul sans intervention de la volonté, on peut atteindre une forme d’absolu, l’action juste.

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